Auteur: Julien Camard 18 juin 2020

Le sanglier est au porc commun ce que le football gaélique est à son populaire cousin. Il en est la version débridée, hargneuse mais respectueuse, ancrée dans une culture ancestrale. Dans cette série de quatre articles, nous avons décidé de vous révéler les secrets de celui qu’on nommait jadis la Bête Noire. Vous apprendrez à le reconnaître et le comprendre. Vous le connaîtrez tour à tour mythique, craint, caché, chassé. Vous le trouverez à la table du banquet gaulois, dans les mots de ceux qui l’ont croisé, dans le cœur de ceux qui le portent fièrement, en jaune et noir…

A travers cette série d’interviews, nous avons voulu donner la parole à ceux qui ont côtoyé le sanglier à travers leur métier ou leur pratique de la chasse. Henri Suret travaille au Service départemental d’Ille et Vilaine de l’Office français de la biodiversité (OFB). L’OFB est né au 1er janvier 2020 de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Ses missions comprennent la protection des espèces dans différents milieux (aquatiques, terrestres, marins), la gestion des espaces naturels, la mise en œuvre des politiques publiques, l’appui aux acteurs et la mobilisation de la société. L’OFB soutient et conduit aussi des projets de recherche visant à mieux évaluer l’état de la biodiversité et les impacts des activités humaines. A travers ces quelques questions, nous avons voulu en savoir plus sur les actions de l’OFB qui concernent le sanglier.

L’OFB, ses missions

Bonjour M. Suret, pouvez-vous présenter votre métier ?

Les Inspecteurs de l’environnement du Service départemental d’Ille et Vilaine de l’Office français de la biodiversité sont soit des agents techniques de l’environnement (appartenant à un corps de catégorie C des personnels de l’État) soit des techniciens de l’environnement (appartenant à un corps de catégorie B des personnels de l’État).

Les agentstechniques de l’environnement participent aux missions techniques de police de l’environnement, mènent des actions de surveillance, ou encore de collecte de données sur l’état des espèces et des milieux naturels, les techniciens de l’environnement assurent en plus l’encadrement d’équipes ou la coordination d’actions.

Comment est organisé l’Office français de la biodiversité ? Quelles sont les principales missions de l’OFB en Bretagne et plus particulièrement en Ille et Vilaine ?

L’Office français de la biodiversité, créé au 1er janvier 2020, est un établissement public sous tutelles du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, dédié à la sauvegarde de la biodiversité. Ses missions se déclinent en 5 grands thèmes :

1) Connaissance et expertise ; comprendre les espèces, les milieux et les services rendus par la biodiversité afin de lutter contre les menaces qu’elle subit.

2) Police de l’environnement ; les agents de l’OFB exercent des missions de polices administrative et judiciaire relatives à l’eau, aux espaces naturels, à la flore et la faune sauvage, à la chasse et à la pêche.

3) Appui aux politiques publiques ; accompagnement et appui aux acteurs publics pour la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de leurs politiques.

4) Gestion et restauration des espaces protégés ; il est essentiel de protéger certains espaces jugés remarquables en termes d’espèces et habitats, de fonctions écologiques, de services rendus par les écosystèmes et de patrimoine culturel et paysager.

5) Mobilisation de la société ; cette mobilisation en faveur de la biodiversité doit contribuer à réduire les pressions exercées sur la faune, la flore et leurs habitats.

Au niveau national l’OFB est décliné en 12 directions régionales. Celle de Bretagne est structurée autour d’un siège à Cesson-Sévigné, de 4 services départementaux, du Parc naturel marin d’Iroise et des réserves de chasse et de faune sauvage de Béniguet et du golfe du Morbihan. Le service départemental d’Ille et Vilaine compte 17 personnels permanents.

A quoi ressemble votre semaine type ?

Il n’y a pas de semaine type pour un agent de terrain, les missions multiples et déclinées ci-dessus, sont surtout liées aux activités humaines saisonnières ou occasionnelles, aux atteintes aux espèces et aux milieux, ou encore aux conditions climatiques.

Autour du sanglier

Quelle place occupe le sanglier au sein de l’écosystème ?

Le sanglier sus scrofa (voir premier article, ndlr) est un mammifère artiodactyle de la famille des suidés. Cette famille compte 21 espèces au niveau mondial, mais tous les naturalistes ne sont pas d’accord sur la nomenclature.

Le sanglier est un omnivore très opportuniste qui peut profiter de l’agriculture. La femelle est appelée “laie”, le jeune rayé “marcassin” pratiquement jusqu’à l’âge de 5 mois, puis “bête rousse” jusqu’à 10 mois lorsque le pelage s’assombrit. L’espèce autrefois forestière s’est maintenant adaptée à tous les milieux, y compris aux zones périurbaines. La reproduction peut avoir lieu toute l’année mais les mises bas sont plus concentrées sur les mois d’avril et mai. L’espèce est très prolifique et certaines femelles peuvent mettre bas dès qu’elles atteignent la masse de 35 kilogrammes.

Le sanglier a peu de prédateurs naturels mais la survie des jeunes peut être impactée par les conditions climatiques. Les populations peuvent également être soumises à de nombreuses maladies.

Comment peut-on observer le sanglier dans son milieu naturel ?

Probablement à cause des activités humaines, le sanglier est devenu un animal nocturne. Par conséquent, son observation en est rendue plus difficile. Il est pourtant possible de l’observer fortuitement de nuit ou à la tombée du jour à proximité des zones de remises diurnes [1]. Il est rappelé qu’il est formellement interdit d’utiliser un quelconque moyen d’éclairage pour rechercher la faune la nuit.

Quelles sont vos actions concernant le sanglier en Ille et Vilaine ?

Nos principales actions liées à l’espèce concernent le contrôle des élevages – qui sont réglementés – et de la chasse de l’espèce.

Le sanglier peut être vecteur de maladies potentiellement transmissibles aux animaux domestiques, voire à l’être humain. Aussi existe-t’il le réseau SAGIR, un réseau national de surveillance sanitaire. Ce dernier est chargé de détecter les maladies de la faune sauvage et, plus particulièrement en ce moment, la potentielle expansion de la peste porcine africaine. Cette maladie est présente à l’extérieur des frontières françaises et qui peut impacter les activités d’élevage porcin. Les agents de l’OFB participent au réseau SAGIR.

Quelles sont vos interactions avec le monde de la chasse ?

La chasse est une activité de loisirs réglementée. L’OFB délivre le permis de chasser, qui nécessite un examen. En 2020, plus d’un million de personnes sont détentrices du permis de chasser. Les chasseurs doivent strictement se conformer aux conditions réglementaires et aux modalités d’exercice de cette activité. Les agents de l’OFB sont chargés de rechercher et de constater les infractions à cette police de la chasse.

L’OFB, via son réseau « Sécurité à la chasse » sensibilise les chasseurs et accompagne les fédérations dans la mise en œuvre des consignes de sécurité. Il met également en place les dispositifs nécessaires au contrôle du bon respect des règles de transport, de détention et de manipulation des armes.

Comment sont définies les zones où la chasse est permise (ou interdite) ainsi que le nombre de sangliers à prélever ?

En France, le droit de chasse est lié au droit de propriété mais des exceptions existent, notamment en Ille et Vilaine où de nombreuses Associations Communales de Chasses Agréées ont été créées. Le sanglier peut donc être chassé sur tout le territoire, sous réserve de l’accord du détenteur du droit de chasse, en dehors des espaces protégés et des réserves de chasse, même si ici aussi des dérogations existent.

En Ille et Vilaine, la chasse de l’espèce est soumise à une période légale d’ouverture ainsi qu’à un plan de chasse validé par les instances administratives. Celles-ci fixent un nombre d’animaux à prélever. Chaque animal tué est muni d’un dispositif de marquage et fait l’objet d’une déclaration obligatoire à la Fédération départementale des chasseurs. En dehors des périodes d’ouverture, des battues de destruction peuvent être ordonnées par le Préfet pour cause de dégâts aux cultures.

Nous tenons à remercier Henri Suret d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Questions posées par Julien Camard.

[1] (Chasse) Une remise est un secteur où le gibier se retire. Notamment pour les perdrix se remettant après un vol. ↩