Interview des sélectionneurs de la France et de la Bretagne

A l’occasion de leur rencontre sur le ferry de retour d’Irlande, les coachs des équipes bretonnes et françaises nous livrent leurs objectifs pour les prochains World Games qui auront lieu en Août 2016 à Dublin. Interview de deux passionnés de football gaélique.

 

Instantané sélectionneurs

Tangi (à gauche) et Olivier (à droite)

Bonjour messieurs, pouvez-vous présentez ?

Olivier Kowarski (OK) : Je m’appelle Olivier Kowarski, j’ai 43 ans et je suis le sélectionneur de France de Football Gaélique et ça fait maintenant 13 ans que je joue au FG, que j’entraîne et que je suis investi dans ce sport.

Tangi An Hostis (TH) : Je m’appelle Tangi l’Hostis, Tangi An Hostis en Breton. J’ai 39 ans et je suis sélectionneur de l’équipe bretonne. Je pratique le FG depuis 2000 et je suis également investi dans le développement de l’activité en France et en Bretagne.

Que pouvez-vous nous dire sur votre homologue ? Depuis combien de temps vous connaissez-vous ?

TH : Ca fait un petit bout de temps qu’on se suit, qu’on s’oppose et qu’on collabore pour faire progresser l’activité en Bretagne.  On a également suivi des formations en commun et donc ça fait un petit moment qu’on se connaît.

OK : C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, même énormément. On a partagé beaucoup de moments autour du FG que ce soit en match et en opposition. On a également la chance d’être formateur GAA pour la France et la Bretagne donc on a fait pas mal de formations d’entraîneur ensemble. On a la chance de se retrouver régulièrement soit en Irlande (ndlr : cette interview a été réalisée sur le ferry de retour d’Irlande) soit autour des rencontres de FG.

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En tant que joueurs, ils se sont déjà croisés maintes fois sur les terrains. Ici au tournoi de Liffré comptant pour le championnat de Bretagne 2010-2011. Olivier (qui s’empare du ballon) jouait pour Liffré et Tangi (à gauche) pour Brest

Vous êtes également des joueurs de FG tous les deux. Pouvez-vous nous décrire vos meilleurs moments sur les terrains ?

TH : Il y en a tellement ! Le meilleur souvenir sur le terrain c’est à Bruxelles lors du championnat d’Europe où à l’époque il fallait faire énormément de distance pour pratiquer. C’était en 2003 de mémoire et c’était également des présélection pour les World Games de l’époque.

OK : Très difficile de choisir un moment également. La première fois que j’ai été en Irlande du Nord on avait été accueilli lors d’un tournoi organisé par Peter Canavan, une des légende du FG ayant joué pour le comté de Tyrone. On avait fait une très bonne prestation et réussi à gagner l’estime et l’honneur des Irlandais et ça c’est peut-être la plus belle chose qui puisse arriver à un joueur de FG.

En tant qu’entraîneur, vous avez-eu des moments forts également ?

OK : Celui qui me reste le plus en tête c’est le match avec l’équipe de France contre la sélection irlandaise à Paris au mois de Novembre dernier. D’un point de vue de l’entraîneur, ça a été un match très intense avec une énorme satisfaction de faire match nul et de rivaliser avec la sélection irlandaise. Mon seul regret, c’est de ne pas avoir pu gagner ce match car on gagnait de 1 point à la toute dernière seconde mais cela reste un moment très fort en tant qu’entraîneur.

TH : Plusieurs moments intéressants également, pas forcement face à la victoire mais dans la défaite également, de pouvoir assembler et être en communion avec son groupe. Notamment un tournoi à Monterfil, purement amical, où on avait pu passer un moment très agréable. Je pense aussi aux jeunes que j’ai pu coaché pendant 3 ans, on a pu faire des déplacements très sympa à Jersey et Guernesey. Je vois ces jeunes qui évoluent et qui sont maintenant au lycée, qui viennent en concurrence avec les adultes dans le Finistère.

On va parler maintenant des expériences à venir. Notamment les WG qui arrivent en Août de cette année. Quels sont vos objectifs pour ces WG ?

TH : Par rapport aux WG c’est faire honneur aux irlandais qui nous invitent dans le cadre de ce 100ème anniversaire de la révolution irlandaise. C’est également de donner une bonne image des joueurs de FG en dehors de leur île, de montrer une belle image du FG en Bretagne. C’est de permettre à l’ensemble des joueurs bretons d’être derrière cette équipe, de la porter pour que ce sport évolue également dans toutes les équipes bretonnes par la suite.

OK : Je vais rejoindre ce que Tangi vient de dire. On est 600 et quelques licenciés en France donc on est une toute petite fédération et c’est une super opportunité pour nous de mettre en avant ce magnifique sport. On y va avec l’objectif de promouvoir ce sport, de montrer tout ce qui a été fait depuis plus de 10 ans en terme de développement de ce sport. Cela sera la vitrine du FG en France et en Bretagne. L’objectif est donc de montrer une belle image et la qualité des joueurs formés en France et en Bretagne. Et puis le deuxième objectif est plus sportif. Quand je participe à une compétition j’y vais aussi pour gagner, pour aller le plus loin possible.

TH : D’ailleurs j’espère que l’équipe de France sera sur le podium mais que l’équipe de Bretagne sera sur la marche au-dessus (rires).

Par rapport à la sélection des joueurs, avez-vous rencontré des difficultés pour faire votre choix ?

OK : Comme je le disais, on est une toute petite fédération donc on commence à se structurer et il va y avoir forcement des choses à améliorer suite à cette première expérience que l’on va vivre. On est tous des bénévoles, on donne le maximum de temps comme beaucoup de gens mais il y aura toujours des choses à améliorer. Par exemple je ne peux pas aller voir tous les tournois, tous les joueurs mais j’essaye de m’appuyer sur des gens de confiance dans les différents clubs qui me font des retours sur les joueurs. Je sais que Tangi est dans la même optique, on essaye vraiment de faire le mieux possible et de faire en sorte que la sélection soit la plus juste et la plus objective. On sait aussi qu’il y aura toujours des gens qui n’y trouveront pas leur compte mais on saura également faire le bilan et améliorer les choses. On est là pour progresser et pour avancer ensemble.

TH : Exactement le même ressenti qu’Olivier. Les difficultés font aussi parti de la tâche que l’on a à accomplir. Ce n’est pas simple et cela met d’emblée les personnes en concurrence alors qu’il faut essayer de décentrer l’objectif de cette concurrence pour qu’elle soit saine. Avant tout qu’on prenne du plaisir à joueur ensemble et porter ce sport encore plus haut pour avoir encore plus d’adversité. On essaye aussi de réfléchir aux modalités de sélection pour qu’elles soient les plus justes possibles.

“Cela sera la première fois qu’il y aura une rencontre officielle entre la Bretagne et la France et ce n’est pas rien ! […] Cette journée doit bien se passer et c’est l’un des enjeux pour que l’activité continue à se développer.” T.L’Hostis, à propos du 7 mai prochain

Justement par rapport à ces modalités, comment avez-vous géré la double sélectionnabilité des joueurs bretons ?

TH : Sans aucun problème, la demande a été faite auprès des clubs de présenter des joueurs motivés par ce projet et disponibles. Niveau critère,  il y a par exemple le faite d’être d’origine bretonne et ensuite les bretons peuvent également postuler pour l’équipe de France. L’idée c’est que chaque joueur puisse choisir là où son cœur le porte et ce n’est que le début des choses. Peut-être que dans quelques années il y aura moins de questions à se poser à ce sujet,  il y aura peut-être des critères plus restrictifs. On est au début de cette belle aventure !

OK : Les joueurs ont dû se prononcer, faire un choix. Mais la chance que l’on a c’est d’avoir ces deux sélections car plus on aura de monde impliqué dans ces deux sélections et plus ça sera bénéfique pour notre sport.

Pour préparer ces WG 2016, le 7 mai à Liffré il y a un affrontement entre l’équipe de France et de Bretagne. Quel est votre regard sur votre adversaire ?

OK : Je sais qu’avec Tangi l’équipe de Bretagne sera très bien préparée. Il y a beaucoup de très bons joueurs dans les deux sélections et cela sera une rencontre très intéressante. Je suis dans une optique de sélectionner des joueurs, de profiter de les voir pour essayer de faire mes choix. J’ai très hâte et cela sera un évènement sportif plein de convivialité. Tous les joueurs se connaissent et ça sera un moment très sympathique et une nouvelle étape pour le développement de ce sport.

TH : Cela sera la première fois qu’il y aura une rencontre officielle entre la Bretagne et la France et ce n’est pas rien ! Il s’agit également d’un jour très important pour la sélection bretonne puisqu’il y aura énormément de joueurs bretons sur place, entre ceux qui jouent pour l’équipe de France et ceux jouant pour l’équipe de Bretagne. Cette journée doit bien se passer et c’est l’un des enjeux pour que l’activité continue à se développer en Bretagne. Cela sera une journée d’observation, formatrice pour les joueurs et pour nous.

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Par rapport à la rencontre à venir, est-ce que vous avez un schéma tactique déjà en place ?

OK : Oui il y a un schéma tactique en place qui pourra être adapté en fonction de l’adversité mais il est hors de question que je le dévoile aux médias et à mon futur adversaire (rires).

TH : De notre côté pour la sélection bretonne, c’est un peu tôt. On vient tout juste de clore la liste des joueurs présélectionnés et on est encore en pleine réflexion. Je suis donc tout à fait à l’aise pour dire qu’à ce jour je ne peux répondre à la question !

Un petit message pour les joueurs sélectionnés ? Quelles sont les qualités que vous attendez des joueurs, les attentes par rapport à ce qu’ils doivent vous montrer ?

TH : Enormément de qualité ! Ténacité et endurance car cela va se joueur à 9 contre 9 sur un terrain plus grand que d’habitude par rapport au nombre de joueurs, une condition physique au top. Ensuite qu’ils soient capables d’adaptation et d’écoute, capables de communiquer sainement sur le terrain.

OK : J’espère un groupe ultra motivé, sérieux, très rigoureux et puis surtout un groupe qui vit très bien ensemble. Il y aura des titulaires et des remplaçants mais tous ces joueurs auront une importance capitale dans le groupe. Il faudra que tout le monde porte le groupe pour vivre un moment

historique. J’espère que les joueurs ont bien conscience que c’est une opportunité énorme et que tout le monde prendra cet évènement à cœur. Le comportement des joueurs sera exemplaire sur les terrains, dans l’engagement et dans le fair-play. Je suis sûr qu’ils seront à la hauteur.

Pour rappel, les WG 2016 c’est en Irlande et plus précisément à Dublin. Un tel déplacement, cela coûte relativement cher! Comment avez-vous prévu de rassembler des fonds pour organiser ce projet ?

OK : C’est là qu’il faut que tout le monde prenne conscience, que ce soit les joueurs, que ce soit les membres de la fédération, qu’il faut être impliqué. On est tous porteur de ce projet et en plus bénévoles. Il y a des choses déjà mise en place au niveau de l’équipe de France, le crowfunding et le sponsoring portés par des personnes de la fédération. On espère que cela va nous apporter un maximum d’argent car les déplacements vont coûter cher. J’espère que cela va porter ses fruits.

TH : On est encore dans un sport où chaque joueur doit mettre beaucoup à la poche pour se déplacer, cela implique donc beaucoup de sacrifices. C’est un déplacement qui a un coût important et l’on compte sur la solidarité et sur les valeurs que l’on porte au travers de ce sport naissant et en plein développement. Je pense que l’on a beaucoup d’atouts aussi pour attirer vers nous des sponsors de qualité, ambitieux et qui croient en nous. Beaucoup d’atouts à faire valoir par notre sport et notre région.

Un dernier mot pour l’ensemble des licenciés pour les motiver autour de ce projet ?

TH : Faire preuve de solidarité, se dire que chaque licencié peut avoir de la fierté de voir que cela se passe comme en Irlande où l’on joue pour son comté. On veut aussi essayer de faire partager cela à l’ensemble des licenciés bretons et français.

OK : J’ai toujours dit et je reste persuadé que le FG aura un jour 10 000 puis 50 000 licenciés mais aujourd’hui on est une toute petite structure où chaque joueur a un rôle important de promotion, de montrer une image exemplaire. Je voudrais que chacun prenne conscience que s’il apporte sa petite pierre à l’édifice, on peut construire quelque chose d’énorme ensemble. On a besoin de vous les joueurs et joueuses de FG et merci de nous soutenir dans cette grande aventure.

Pour finir sur une note un peu moins sérieuse, un mot pour vous décrire. Si vous étiez :

Une bière :

OK : C’est tentant de dire une Guinness, symbole de l’Irlande et j’en ai bu pas mal cette semaine en Irlande donc c’est ce qui me vient directement à l’esprit.

TH : Par esprit de contradiction, je vais dire la Bulmers, le cidre irlandais qui se rapproche le plus des boissons que l’on a en Bretagne.

Un conté en Irlande :

TH : Le comté de Galway. C’est là où j’ai acheté mon premier maillot et celui de mon  fils. Aussi parce que beaucoup d’étudiants irlandais font le déplacement en Bretagne.

OK : Par rapport à l’anecdote que j’ai évoquée tout à l’heure, c’est le comté de Tyrone. J’ai un fantastique ami et soutien qui s’appelle Gerard O’Connor qui vient de ce comté. J’espère qu’il verra cette vidéo et qu’il comprendra ce petit clin d’oeil.

Un joueur :

TH : Je suis pas mal comme joueur (rires).

OK : Bon la même alors.

Un club de FG français autre que le vôtre :

OK : Moi ça serait Brest ! Car j’ai des origines bretonnes, de Brest et j’ai la chance d’y passer beaucoup de temps en vacances et puis c’est un club sympa où il y a des gens sympas.

TH : Liffré alors !

Un plat :

TH : Je peux répondre pour Olivier ? Une soupe de poisson !

OK : Ah ouais, une soupe de poisson, c’est super bon ! Et pour Tangi, ça serait des fruits de mer ..

TH : Des breniques non ?

OK : Des breniques, mais oui ! On a fait ensemble un stage à l’île de Batz et il m’a fait gouté des breniques. J’ai toujours entendu dire par chez moi que ça ne se mangeaient pas !

Un autre sport ?

TH : Le gouren, la lutte bretonne qui est un sport où il y a beaucoup de ténacité, de force, de technique et d’équilibre. Pas mal de qualités identiques au FG. Le gouren est un sport qui mérite de se développer davantage. Un état d’esprit qui est remarquable également par rapport au respect de l’adversaire comme dans beaucoup de sport de combat.

OK : Moi ça serait le hurling, un autre sport gaélique. Malheureusement je n’aurais jamais les qualités, notamment techniques, pour pratiquer ce sport mais c’est un sport tellement intense et qui respire tellement l’Irlande. Je trouve ce sport magnifique et exceptionnel et j’espère qu’un jour le hurling pourra se développer en France même si je pense que ça sera plus dur.

Pour finir une petite blague ?

OK : Une petite blague ? On peut couper là non ? (Silence de réflexion intense…) Bon j’en ai une : “C’est deux œufs sur le plat qui sont en train de frire sur une poêle. Il y en a un qui dit à l’autre : “Tu trouves pas qu’il fait chaud ici ?” et l’autre qui fait :”Ahhhh, un œuf qui parle !”.

TH : J’ai pas mieux (rires).

Interview de Emilie Pasquet
Propos recueillis par Antoine Thomet et Antoine Botrel
Ecriture et mise en forme par Yoann Kersuzan